20221223

péridurales [2022], extraits



qu'est-ce qu'un poète sinon un assassin sans homicide fixe ?


des arbres – évidemment - & des végétaux en tout genre : fruits, organes, antéisagoges... sans oublier l'infarctus tatoué sur mon front comme un silex qui se remémorerait l'origine du feu. des carnets qui sous-solent cette saison passée dans un enfer à thermostat souple – danseuses planètes dont le trébuchement aura auréolé mes ongles d'un vernis invisible. un parfum qui ne résiste pas à l'amnésie du nez, un nez qui se casse à poursuivre l'odeur opiacée du silence & ce silence qui n'a jamais connu que ses propres coursives. ainsi s'achève & débute ce qu'il conviendra désormais d'appeler un nauséaum d'histoires naturelles.

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les tatouages avortés laissent sur la peau autant de traces qu'un enfant renversé sur la route - c'est ainsi - ! & pourtant il ne s'agit ici que d'un venin mal infusé, d'un drap dont on n'aurait froissé que l'ombre, fut-elle éclaboussée par deux sexes étourdis. douce, qu'elle était douce cette saison passée sous tes aisselles... je te déodore Ducasse avec ce parapluie replié sous l'averse applaudisiaque qui célèbre aujourd'hui ma mort. saviez vous, vous dont seules les paupières s'exercent encore à courber parfois l'échine, qu'il existe un territoire cerné de gaz dans lequel n'existent que des horloges qui se refusent au viol des heures?

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de ce bouquet de sueur, dont j'avais tracé le cadastre sur mon torse, ne restent ça & là que de minuscules lignes que je m'invite à suivre dans la nuit... me tenant moi-même la main afin d'être certain de perdre mon chemin. & pourtant j'existe! j'existe dans les registres aimantés du temps! j'existe dans le refus des miroirs! j’existe jusque dans la peau d’un fou qui ne connaît pourtant rien de moi...
j'étais ton pléonasme - une vitrine dans laquelle pouvaient se mirer toutes les moiteurs du monde - ! eh quoi? serais-je coupable de vouloir secouer à nouveau les volcans qui suintent de chacun de mes membres? serais-je sommé de ne rester qu'un marque-page égaré entre deux molaires? il me reste encore suffisamment de sueur pour tordre le cou aux torrents & baptiser mon front d'une croix de saint-pierre.

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j'avais alors pour habitude de suspendre des odeurs aux arbres, d'abdiquer ma géométrie & d’observer l'enfant sur sa balançoire - comme un futur pendu.

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la nuit - plastifiée sur une surface équivalente à celle d'un livre de poche - continuait de danser sur elle-même, un peu comme une écharpe rabâcherait ses souvenirs de givre : tout doucement, sans se soucier jamais du mur de tympans solitaires (peut-on vraiment dormir autrement que sur UNE oreille?) qui lui faisait pourtant barrage. il faudrait exclure certaines minutes des cadrans, leur demander de se rendre en salle d'études & de ne revenir qu'avec une copie suffisamment propre pour qu'un miroir puisse y voir son reflet. mais - nul n'est législateur en sa vie ; that's why je porte ma montre en cicatrice au bras gauche & prends soin de gâcher mon sommeil avec l'exactitude des autres. si la ponctualité est la politesse des rois, le décalage est celle des poètes de bientôt trois fois quinze ans.

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je suis une femme battue habillée des coups que je me suis moi-même infligés sous prétexte d'être un homme ambidextre. je suis cet homme qui bat sa propre aurore à grands coups d'épitaphes. je suis un dresseur de somnifères insomniaque qui se berce pourtant d'allusions. je suis une femme battue qui met sa plus belle robe avant de lever la main sur son propre visage – déjà rouge.

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il y a, derrière mon masque, une substance d'un noir si épais que l'évidence d'être en vie ne saurait y souscrire. squelette en désordre, largement coiffé d'un manteau épars & dépourvu de toute allégeance à l'aurore, je promène un aveu dont le sommeil exige d'être coupable ou borgne. où sont passées les flaques que je maquillais en solfèges? où sont mes paravents travestis en solstices? derrière me glisse un masque, derrière...
& le masque de tomber.

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je ne réfléchis plus, je boxe ; & feins d'ignorer que ce que j'essaime finira par absoudre les frelons qui me frôlent à voix basse. tirer sur la corde - tirer avec une arme en plastique sur un corps qui l'est tout autant. seuls les coups de fils méritent leur nom. oui, les coups de fil méritent amplement leur nom. je répète - jamais un coup de fil n'abolira ton nom.
à une amie

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j'entrerai seule & nue dans une immense salle d'audience aux dents carrelées d'inconnus pavés de bonnes intentions - & où l'on ne m'écoutera pas - ou du moins pas encore. j'aurai pourtant, pour ma défense, plus d'un millier de fleurs autographiées & chaque pétale viendra plaider ma cause d'une voix trouée & sonore (pour qui a su tatouer des yeux sur ses tympans). On ne m'écoutera pas vous dis-je & pourtant, je plaiderai la vue, l'amour & quelques autres bricoles dont tout monde préfère se distraire. j'entrerai seule & repartirai coupable & libre en direction d'une cellule dont j'avais déjà épelé le nom en foulant ma naissance.
& mon juge sourira en me voyant cueillir les années qu'il me reste à planter sur nos voies d'urgence... & je serai seule juge de mes années...

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il n'y aura, quand j'allumerai enfin mes bagages, aucune autre forme de procès que celui que j'intente - depuis plus de dix appartements déjà - à l'indifférence qui ne cesse de ponctuer d'un pointvirgule l'essaim de pupilles auxquelles j'ai frotté mon épine dorsale. plus qu'insulter la beauté, je confesse exécrer le beau - le genre ne faisant rien à l'affaire - & cracher sur les peaux que j'ai singées de mes propres enluminures.
il existe certainement un présage - peut-on lire dans les lignes du foie? - dont la mélodie plagierait les silences qui se glissent aux creux d'un te deum en chemise de nuit. que cassandre en personne m'en fasse la lecture.

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le temps presse & nous avons bien d'autres ampoules à éteindre. isn't it? un marchand d'allumettes est venu vendre sa cécité au plus offrant - j'ai dansé exactement trois fois dans sa main. il n'y a vu que du feu (le chanceux). depuis, je porte des lunettes de soleil quand j'écris qu'un marchand d'allumettes etc... vivement vendredi prochain que je perde un nouveau sens et en scotche un nouveau à la vie.
un homme se lève, se remémore qu'il va mourir, se regarde dans la glace &, étonnamment, se trouve beau. un homme pense à deux femmes; la première est morte d'un coup de fil, il lui semble que c'était en novembre; la deuxième est décédée en juin et a volé sa traîne à la première. nevermind.
deux femmes sont mortes, je fatigue terriblement d'être en vie & je m'appelle définitivement joséphine.

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ces cartes postales de maffre que maman glissait sous mes paupières tous les soirs avant de m'avorter un peu & dont seule ton haleine parvenait à rendre le ciseau respirable; je les ai gardées, vois-tu - comme pour mieux soleil-cou-couper les nuits qui s'apprêtent à égarer leurs (f)la(m)me en moi sans - pour autant - perdre ma trace.

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presqu'il, je ne suis plus rattaché à cette planète que par une sorte de conjugaison idiote & solennelle, laquelle me donne des maux d'épiphanie & des troubles de l'hostie. il s'en serait fallu pourtant de peu pour je me détache des feuilles qui encombraient mon arbre. mais, un seul regard vous noie. & quand je dis qu'il vous noie, c'est bien qu'il s'infiltre comme un sexe d'épinal dans vos poumons jusqu'à qu'y fleurisse cette branche au doux sobriquet d'asphyxie.
... & la suite? une île en dérive. simplement.



photo: Maya Paules