20240803


je considérais alors la vie comme un gisement de pétrole inépuisable & mentholé ; mes aisselles avaient l'haleine d'un verbe conjugué au plus-que-printemps; tandis que mes dents - ah mes dents! - se laissaient encore mordre par des mots aussi désuets que le mot désuet... le soleil pleuvait toujours à pleins poumons & toussait des mirages aux chevets des lits dans lesquels je passais des nuits aussi blanches que la neige que je laisse aujourd'hui pousser sur ma barbe & mes cheveux d'éternel étudiant. nous étions aux alentours d'un dix-neuvième siècle dont l'ascenseur se serait malicieusement bloqué en 1986 & - tout aussi malicieusement - nous ne souhaitions pas vraiment changer d'étage. pour faire simple, nous habitions un joli mirage dont les yeux avaient la couleur d'un orage sur la ligne de départ. mais allez empêcher une ligne de départ de participer à sa propre course & de la gagner en vous décoiffant au poteau.


quoiqu'il en pleuve, je désobéis. je refuse & m'en drape. les ordres pourraient fleurir de ma propre bouche qu'ils n'en resteraient pas moins ordres - fussent-ils baroques & enclins à swinguer le menuet au bord de plages jonchés de bureaux de poste pour touristes et de boîtes de nuit dans lesquelles cartes postales & télégrammes s'échangeaient des billets doux. je lâche le grain pour l'ivresse & flanque l'ivresse dans le premier train pour neptune. je préfère rester facile comme un premier baiser délivré sur sa glace, me prénommer chaque matin, & m'endormir sur un lit de verre pilé. ainsi soit le désordre que j'instaure en loi pour mieux la renverser & me désobéir de la main gauche. ainsi soit le baiser que judas tend à son autre joue. ainsi soient les posters de poètes que j'agrafe à ma nuque pour retrouver enfin le sens du bégaiement.


l'auberge des sans étoiles, de ceux qui n'ont jamais su consteller la grande ourse pour en faire un bivouac habitable. cette auberge là se situe, je crois, dans une partie très étroite, presque cachée de nos propres émois - un peu comme cet appendice que l'on retire de nos ventres d'enfants contre un sac de billes - & pourtant, ceux qui l'habitent s'empressent toujours d'indiquer quelle porte mène où. ça en serait drôle s'ils mentaient, que les toilettes mènent à la salle manger par exemple... moi mon auberge n'a pas de porte ou bien elle est restée ouverte si longtemps qu'elle est devenue tout aussi végétale que ton regard ébouriffé de sueur.


mes futures épiphanies porteront toutes des noms de gymnastes exogènes: Arthur Comăneci postera le compte-rendu de mes vacances impossibles à Berlin, Allen Kabaeva deviendra violoncelle pour mieux infiltrer le les banlieues de ma langue isocèle... Tandis qu'Alejandra Zaripova se conjuguera d'elle-même sans jamais s'encombrer de terminaisons... mais je n'en aimerai qu'une seule! & ses yeux auront le goût fumant d'un sandwich au néon.



par essence, il est impossible pour deux sommets de s'enlacer. c'est pourquoi les montagnes seront éternellement condamnées à ne jamais aimer que celles et ceux qui prennent la peine de les gravir et d'accepter la vue qu'elles offrent, non par générosité mais par simple sens du vertige.

20231127

                            

 [automatique]

aujourd'hui, j'ai coiffé mon torse de stéthoscopes.
battre, battre ou se battre. bref , aujourd'hui, j'ai coiffé mon torse de stéthoscopes... pour mesurer l'étendue d'un village que je m'apprête à peindre avec ma pisse...
bam
bam
& re- bam
mon stéthoscope a le sens du rythme
& mon cœur
celui de coiffer
mon torse
d'autres stéthoscopes
avec lesquels
je mesurerai la douce équivoque
de transformer
un stéthoscope
en cœur
bam
bam
& re- bam
vous disais-je
bam
bam
& re- bam
....
pourquoi mesurer le cœur?
je répète
pourquoi mesurer le cœur?
j'insiste
pourquoi mesurer le cœur?
... les appartements ne se louent pas
ils s'occupent
donnez-moi la force d'être un studio meublé
quelque chose de meublé
quelque chose de meublé
pour étouffer les
bam
bam
& re- bam
qui m'étouffent d'être l'acteur
de ma propre vie
devant un parterre de stéthoscopes
art-ti-fi-ciels


CAHIER DE CON†DOLÉANCES I:

con†doléance 1:

Je voudrais

suicider un taxi,

braquer la mie câline

& mourir par texto.


con†doléance 2:

Je voudrais

m'inviter à danser,

désapprendre le grec (je ne le parle pas)

& mourir dans une lettre.


con†doléance 3:

Je voudrais

être Van Gogh,

me couper un orteil

& mourir sous un masque.


con†doléance 4:

Je voudrais 545

en 598,54 (petites) coupures

& mourir du RSA

con†doléance 5:

Je voudrais

dresser un puma,

manger 4, 99999 fruits & légumes par jour

& mourir étouffé d'un pépin.


con†doléance 7:

Je voudrais

allumer des feux aux fenêtres,

agrafer des chevaux au dos des autobus

& mourir dans du papier bulles.


con†doléance 8:

Je voudrais

imposer ma chance,

serrer mon bonheur

& mourir dans une flaque de valium à laquelle

ils s'habitueront.


con†doléance 9:

Je voudrais

publier des livres-néons,

détartrer vos chewing-gums

& mourir en chien maigre.


con†doléance 10:

Je voudrais

faxer des poèmes aux tombes,

& recevoir en guise de réponse

un télégramme annonçant ma mort.


con†doléance 11:

Je voudrais

enterrer mes désirs

dans un terrain vague

& mourir entre deux souhaits.


con†doléance 12:

Je voudrais t'avoir

je t'ai

je voudrais mourir en t'ayant

encore.


con†doléance 13:

Je voudrais qu'un parapluie s'ouvre

dans une église

pour qu'une femme en pleuve

& me laisse mourir sur sa croix.


con†doléance 14:


Je voudrais être à cheval

non sur des principes

mais sur des plaies

& mourir en Chine.


con†doléance 15:

Je voudrais

écrire mon nom sur des murs

jusqu'à ce qu'on le lave enfin

& mourir rue des changes.


con†doléance 16:

Je voudrais

bégayer sur des bégonias,

noyer les mots dans du pétrole

& mourir en me souvenant enfin

d'hier.


con†doléance 17:

Je voudrais

écrire des lettres à la mort,

mesurer la distance exacte qui nous sépare

à l'instant

& y mourir.


con†doléance 18:

Je voudrais

être un perdant magnifique

& converser ta langue pour unique trophée

je ne veux pas mourir.


con†doléance pi:

Je voudrais n'avoir

aucune ambition poétique

je voudrais n'avoir

aucune ambition poétique

& mourir auréolé d'un Nobel.


con†doléance 21

Je voudrais m'inventer un frère

lui confier mes ombres

& mourir à sa place.


con†doléance 22:

Je voudrais

me souvenir des meubles,

meubler mes souvenirs

& mourir rangé dans un tiroir.


con†doléance 23:

Je voudrais

paraître désinvolte

et, l'air de rien,

m'éteindre dans un bouquet de nerfs.


con†doléance 24:

Je voudrais

que la nuit solidaire allume un feu dans mes cheveux,

y prenne un bain de minuit

& mourir imbibé de tisons.


con†doléance 25:

Je voudrais

que la poésie danse au sommet des charts,

qu'hommes & femmes se masturbent

sur des anaphores

& mourir un chewing-d'or à la boutonnière.


con†doléances 26:

Je voudrais

avoir des armes plein les dents,

des lèvres plein le ventre

& mourir entouré de chevaux qui refusent de hennir.


con†doléance 27:


Je voudrais

manger tous vos spectres,

engranger toute la mémoire des arbres

& mourir entouré de sapins.


con†doléance 28:

Je voudrais

ne jamais revenir en arrière,

perdre mon latin dans un bar

& mourir sans jamais décliner.


con†doléance 29:

Je voudrais

me travestir en étoile,

baiser la grande ourse

& mourir zoophile


con†doléance 30

Je voudrais

tirer sur un poème,

l'abattre à bout portant

& mourir de ma propre bouche


con†doléance 31:

Je voudrais

monter dans un train sans billet,

oublier d'en descendre

& mourir dans les bras d’un contrôleur


con†doléances 32:

Je voudrais

me rendre à l'évidence

Y déposer une couronne mortuaire

& mourir sans avoir jamais lu Rimbaud.


Enième con†doléance:

Je voudrais

avoir 36 ans,

dissimuler ma vie sous une moustache

& savoir (sans apprendre) ce qui se cache derrière la mort.


CAHIER DE CON†DOLÉANCES II: POST-RECTUM: CON†DOLÉANCES

CROISÉ(E)S :


con†doléance a)

Je voudrais

ne plus me couper les cheveux en 4

mais en 5, 7 ou π

& mourir guillotiné par un peigne.


con†doléance b)

Je voudrais publier

un manifeste HARDCORE

dont chaque ligne serait une trace de C.

& mourir d'une O.D à la toute dernière page.


con†doléance c)

Je voudrais

modifier ma fréquence,

parcourir l'écriture jusqu'à trouver

l'F.M idéale

& mourir coincé entre deux parasites.


con†doléance d)

Je voudrais

concrétiser ma soif

en arbre, en statue, en phallus

pour y pendre -une fois pour toutes-

l'adulte que je ne serai jamais.


con†doléance e)

Je voudrais enfiler

une capote sur ma langue

afin que mes †futurs† poèmes

naissent (et meurent) dans un sac plastique.


con†doléance f)

Je voudrais

évangéliser les montres,

faire des 12h qui m'étouffent

de dociles apôtres

& mourir trahi par une pile.


con†doléance g)

Je voudrais

cataloguer mes angoisses,

les mettre en rayons comme de vulgaires conserves

& mourir en période de soldes.


con†doléance h)

Je voudrais

que vos dents colonisent ma gorge

pour y mordre la pomme que ce PUTAIN d'Adam vint y planter

& mourir à jamais venimeux.


con†doléances )

Je voudrais

dévaliser vos bouches,

entasser vos langues mortes à l'ombre d'un Gaffiot

& mourir d'un néologisme.



CAHIER DE CON†DOLÉANCES II: POST-RECTUM: CON†DOLÉANCES

CROISÉ(E)S :


con†doléance ero guro nansensu

Je voudrais

être violé par une lycéenne,

redoubler ma virginité

& que mon sang se noie dans ses menstrues.


con†doléance 06:

Je voudrais (bonjour Madame)

un forfait 8h d'appels à l'aide,

S.O.S illimités inclus

& mourir pendant que vous restez en ligne.


con†doléance %:

Je voudrais

louer une paire de mains gauches,

coller deux gifles à ma joue droite

& ne plus savoir de quel côté passer l'arme.


 Chatles Bukowski




il est trop tard _ pluton s'étant déjà mouché dans mon chasuble _ pour reculer face aux phalanges cousues de larmes qui se dressent dans l'épais miracle de ma nuit. je ne puis qu'avancer, en bon fonctionnaire du diable, & me nourrir de salamandres armées jusqu'au ventre ( _ ainsi pourrais-je devenir fusil pour distribuer mes balles au hasard des fenêtres (j'ai la cible facile & le feu silencieux)). il est trop tard _ les étoiles s'étant déjà suicidées dans ma gorge _ pour
étouffer ma soif & confesser mes ongles. je ne puis qu'essuyer mes pas & flirter avec le bruissement d'un ascenseur en marche. _ mon propre assassinat s'étant logé entre deux dents _ il me semble incongru d'en mendier les dividendes & d'enterrer mon dernier souffle sous une carte carte postale de deuil. il me faut avancer, résigné, un point d'interrogation tatoué sur le front comme une torche éprise de sa propre lumière. il me faut avancer juqu'à Le Piège se referme _ enfin _ & dresse l'inventaire de ceux que j'ai tendus de mes mains.

 le meurtre par contumace est un sport dans lequel tous les pronoms excellent. s'ils le pouvaient encore, nul doute que les souvenirs dont on ne se souvient plus seraient témoins à charge. on ne se remémore que de son dernier brossage de dents, on ne se rappelle plus que de son prochain voyage. au fond, nous passons notre vie à louer un garde-meubles exsangue dans lequel soupirent des cadavres de soleils pluvieux.

moi, je n'ai jamais fermé ma porte
& je me souviens de tout
sauf oubl


inviter le menuet à danser la farandole, l'exégète à froisser le verbe, l'aurore à défoncer l'aube.

je croyais que la musique était bleue, qu'il n'y avait d'autre carnage que ma viande - et pourtant - je t'appelle à travers d'autres voix, je dessine ta silhouette dans les vestiges de quelques notes jouées sur le clavier de ma propre folie, est-ce à dire? once upon a time in les jolies dorures qui se consacrent à effacer le beau & frapper le pénible d'une lettre de noblesse. Rimbaud devrait avaler sa gangrène & poster une photo de son festin. j'ai béni ma solitude & la conspue - aujourd'hui -. en ce vendredi de cendres et de miroirs mal éteints, laissez-moi, venez! tendre est la chair du loup à qui porte un masque sur le masque de sa nullité.


 


se dévêtir, jusqu'à qu'il ne reste que ta peau sur mes os, poignarder une hostie & abroger le 14 juillet sur un lit composé de bonnets phrygiens. repartir à moins 1 & dégringoler d'étage en étage avec pour seul coupe-ongle, le testament d'un astre décédé il y a des milliards d'années dans ma barbe, désormais aphone. esquisser un sourire avec la peur au ventre, dessiner un nuage avec la peur au front; se damner soi-même de peur que la conjuration des chacun-pour-soi s'en charge & se fasse un malin plaisir de vous demander de rembourser le timbre assassin qui vous gêne aux entournures. telle est la ritournelle des presque-fous, des demi-malades qui n'auront, pour seule épitaphe, qu'un morceau de pain rance aboyé par la nuit que nous constatons tous.

la messe des ayants droit, la parole avortée dans sa souche, l'odeur nauséabonde des épaules en demi-teinte soulève ma propre terre jusqu'à l'effondrement. Je ne veux plus de vos serments mâchés en entrejambe ! Je souhaite la terreur, la vraie! Je souhaite l'abolition de l'abolition de la peine de mort. Ne serait-ce que pour l'abolir à nouveau. Je souhaite le viol et la main carnassière, je souhaite les dents du loup, l'épée de Damoclès et le sourire d'un enfant en fauteuil roulant .je veux avoir peur - sans cesse et sans raison - je veux avoir raison ! Je veux que mes muscles s'affaissent dans un catafalque de poudre et de merde. Je veux la paix. Juste la paix. Simplement la paix. Je veux un cercueil en ivoire et un numéro de téléphone à joindre. Là, juste là, pour voir... Pour ne pas avoir raison... Juste une fois.. ou deux

j'ai vécu des astres si troublants que je ne sais plus quoi faire de mes mains. Les odeurs prévalent les corps qui les suent & ma grammaire reste la même: une fièvre... point ; une virgule, quand bien même & cette envie d'incendier l'eau. juste pour le principe. juste pour coincer un sourire entre deux tables basses. je veux rester bancal. un tout petit peu s'il vous plaît. je ne veux plus apprendre. je veux faire feu de tout bois sans même savoir de quel bois je mitraille. j'aime les timides, les jean-sans-terre & les sacs en désordre. j'aime tes cheveux lorsqu'ils insultent la beauté des miroirs. j'aime le ton que tu prends lorsque je me désaltère de mon ombre & poste des colis piégés à ma mère. Il n'est de couloirs que ceux que l'on tresse. je décide aujourd'hui d'emprunter ton sexe.

nous des monstres, de l'interdiction de dire, nous de la parole effacée & des démangeaisons. Nous de l'entre-mal, du je m'en vais rattrape moi, nous des poux dans la gorge, nous des fuites urinaires & des salles de bains amovibles, notre dame des impasses, notre dame des impostures, notre dame des flaques... Notre merde qui êtes aux cieux, notre notre et moi moi moi, notre moi moi moi boursouflé de notre...la poésie qui n'est même pas à la hauteur... La poésie qui n'existe même plus.


 

 J'habite une planète complexe et sidérante constituée de propositions subordonnées les unes aux autres mais se pensant toutes principales. Si je n'étais pas terrien je considérerais que nous ne sommes qu'un amas de mots sélénites voire lunaires tant nous nous efforçons de voiler la face lumineuse de nos grammaires approximatives. L'inclusion précédant l'essence & l'essence coûtant cher, je pédale dans une semoule épineuses et peu propice aux épices dont j'avais l'habitude de ponctuer mes épiphanies quotidiennes.



20230101


incendie! dans le ventre de ces mères porteuses de souffre & de mauvaises étoiles incendie! dans le ventre déjà plein des sous-sols enregistreurs - heures fixes téléphones fixes domiciles fixes... gare au brasier qui couve dans l'eau qui dort! - incendies aux fenêtres! incendies dans les gorges: la toux sèche est un combustible épatant! incendie! incendie! les miroirs prennent feu & contaminent les ego qui s'y flattent! incendie! dans les cours d'école incendie! dans les casernes, les stations d'essence, les magasins de sous-vêtements! (souviens toi comme il est bon de jouer avec le feu!) incendie! dans les hypomarchés, les cabinets dentaires & les administrations chauves! incendie! le feuillage artificiel des vérandas s'allume et habille de tisons la nudité des astres! incendie! incendie! les machines à écrire s'immolent et impriment une étoile rouge au verso des feuilles qu'elles avalent! incendie! brigades de secrétaires pyrodactylographes, comités de brasiers publics syndicat pour les droits de la flamme! embrasez vous! embrasez vous! sur les joues, la bouche, le front, les paupières, le sexe! incendie! si un arbre cache la forêt, c'est la forêt qu'il faut abattre!
 

20221229

péridurale(s) - XXIII

    † cassandre  

20221227

l'homme aux paupières délébiles [2016]




1
l'homme aux paupières
haute-définition
télécommande
toujours
une P I Z Z A
au
c
ha
m
pagne
avant
d'installer
CONFORTABLEMENT
son
c a d a v r e
dans un boudoir
délébile

2
l'homme aux paupières
5g +
hashtague
quotidiennement
ses murs
de
GRA
FF
ITIs
antalgiques
& archive
nuits après
n u i t s
son
c a d a v r e
dans un album-photo
délébile

3
l'homme aux paupières
indignées
t a t o u e
journalièrement
l'indignation des
A
U T
RES
sur sa propre
PEAU
&
n'engage
que le
PROFIL
de son
c a d a v r e
dans ses révolutions
délébiles

4
l'homme aux paupières
de football
ne voit de
B U T (S)
que dans les
C
AG
ES
qui l'entourent
& entraîne
régulièrement
son
c a d a v r e
à dribbler
ses organes
sur un terrain de chair
délébile

5
l'homme aux paupières
d'échafaud
referme
spontanément
ses
YE
UX
d'homme aux
paupières
d'ECHAFAUD
de peur
de ne plus apercevoir
au matin
qu'un
c a d a v r e
dans son MIROIR
indélébile








20221224

 l'enfer de ma bouche, c'est la langue des autres




je plaide
coupable!
coupable d'être
insomniaque &
de m'inventer
mille morts
pour rester
vivant
je plaide
coupable!
coupable d'abriter
mon propre
assassin
dans un corps
qui ne m'appartient
déjà plus
& de toucher
des A.P.L
pour un appartement
vide.
je plaide coupable
de survivre
à mes rêves,
à ce gosse
dont je m'amuse
à battre
le souvenir
pour le plaisir
des mains.
je plaide
vivant!
vivant d'être
debout
tandis que je
m'assois
sur le verbe
tomber
sans renverser de meubles.
je plaide coupable
& me sens déjà
coupable
de l'avoir admis...
un jour
je coucherai avec
ma culpabilité
& lui jouirai
sur le visage.                                                                                                                                                                                                          audio  





 

20221223

« Ma main va bien - merci - j’entreprends d’ailleurs de la satisfaire dans une activité hautement « polluante » qui consisterait à la faire voyager de mon appendice à votre joue. » Gilles de Raie



il se regarde & constate que les signaux de fumée qui traversaient autrefois sa voix se sont mués en arabesques noires. ses poumons n'exhortent plus qu'un dies irae chuchoté & ses mains, devenues triangles, cèdent le passage aux cercles qui se faufilent dans le corridor étroit qu'il s'apprête à baptiser dans l'ombre.

[17/12/2017]

c'est pratique
à deux pas
livrable
& sans contact
c'est commode
c'est partout
téléchargeable &
foutrement...
pratique
pratique
y a pas d'autre mot...
pratique
on y trouve de tout:
du pain, des pneus, des billets de train, des chiasmes, des oxymores, des trottinettes roses, de la vitesse - de la vitesse surtout - du maquillage, du démaquillant qui ne démaquille pas, qui ne démaquillera jamais ton visage de clown, des tables basses, de la pommade, des tire-bouchons, des planche-à-repasser-le-permis-pour-la-troisième-fois, des sandwichs triangles, des sandwichs triangles isocèles, des sandwichs triangles rectangles, des sandwichs triangles équilatéraux ou bien même des sandwichs ronds/carrés/losanges/parallélogrammes, des sandwichs quoi! et puis des cintres, de jolis cintres à pendre les vestes que tu te prends quotidiennement, des vestes & des arbres: généalogiques, de noël, des arbres en aluminium - des éponges - pour éponger la sueur qui coule chaque matin sur ton front avant d'aller traire ton salaire, des gants - pudeur- des gants - distance - des gants - sauf pour le froid - du matériel - beaucoup de matériel! - C'est qu'il en faut du matériel - pour combler - pour remplir - pour oublier
c'est pratique
l'oubli
c'est paratique
c'est paralytique
hop
réparé
hop
ni vu, ni connu
hop
dans la poche
hop
dans les poches
qui cernent tes yeux de foie grêlé
c'est TELLEMENT pratique
de ne plus savoir
où donner de la cerne
c'est....
attends...
je l'ai sur le bout de la langue...
c'est
c'est...
p
pr
prat
pratique
pra-ti-que
de consteller ta mort
d'enseignes lumineuses.



Poésie Lo-fi #2 / Le C.G.E feat. Edumini Barthes - Hommage à C. Pélieu


 

péridurales [2022], extraits



qu'est-ce qu'un poète sinon un assassin sans homicide fixe ?


des arbres – évidemment - & des végétaux en tout genre : fruits, organes, antéisagoges... sans oublier l'infarctus tatoué sur mon front comme un silex qui se remémorerait l'origine du feu. des carnets qui sous-solent cette saison passée dans un enfer à thermostat souple – danseuses planètes dont le trébuchement aura auréolé mes ongles d'un vernis invisible. un parfum qui ne résiste pas à l'amnésie du nez, un nez qui se casse à poursuivre l'odeur opiacée du silence & ce silence qui n'a jamais connu que ses propres coursives. ainsi s'achève & débute ce qu'il conviendra désormais d'appeler un nauséaum d'histoires naturelles.

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les tatouages avortés laissent sur la peau autant de traces qu'un enfant renversé sur la route - c'est ainsi - ! & pourtant il ne s'agit ici que d'un venin mal infusé, d'un drap dont on n'aurait froissé que l'ombre, fut-elle éclaboussée par deux sexes étourdis. douce, qu'elle était douce cette saison passée sous tes aisselles... je te déodore Ducasse avec ce parapluie replié sous l'averse applaudisiaque qui célèbre aujourd'hui ma mort. saviez vous, vous dont seules les paupières s'exercent encore à courber parfois l'échine, qu'il existe un territoire cerné de gaz dans lequel n'existent que des horloges qui se refusent au viol des heures?

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de ce bouquet de sueur, dont j'avais tracé le cadastre sur mon torse, ne restent ça & là que de minuscules lignes que je m'invite à suivre dans la nuit... me tenant moi-même la main afin d'être certain de perdre mon chemin. & pourtant j'existe! j'existe dans les registres aimantés du temps! j'existe dans le refus des miroirs! j’existe jusque dans la peau d’un fou qui ne connaît pourtant rien de moi...
j'étais ton pléonasme - une vitrine dans laquelle pouvaient se mirer toutes les moiteurs du monde - ! eh quoi? serais-je coupable de vouloir secouer à nouveau les volcans qui suintent de chacun de mes membres? serais-je sommé de ne rester qu'un marque-page égaré entre deux molaires? il me reste encore suffisamment de sueur pour tordre le cou aux torrents & baptiser mon front d'une croix de saint-pierre.

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j'avais alors pour habitude de suspendre des odeurs aux arbres, d'abdiquer ma géométrie & d’observer l'enfant sur sa balançoire - comme un futur pendu.

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la nuit - plastifiée sur une surface équivalente à celle d'un livre de poche - continuait de danser sur elle-même, un peu comme une écharpe rabâcherait ses souvenirs de givre : tout doucement, sans se soucier jamais du mur de tympans solitaires (peut-on vraiment dormir autrement que sur UNE oreille?) qui lui faisait pourtant barrage. il faudrait exclure certaines minutes des cadrans, leur demander de se rendre en salle d'études & de ne revenir qu'avec une copie suffisamment propre pour qu'un miroir puisse y voir son reflet. mais - nul n'est législateur en sa vie ; that's why je porte ma montre en cicatrice au bras gauche & prends soin de gâcher mon sommeil avec l'exactitude des autres. si la ponctualité est la politesse des rois, le décalage est celle des poètes de bientôt trois fois quinze ans.

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je suis une femme battue habillée des coups que je me suis moi-même infligés sous prétexte d'être un homme ambidextre. je suis cet homme qui bat sa propre aurore à grands coups d'épitaphes. je suis un dresseur de somnifères insomniaque qui se berce pourtant d'allusions. je suis une femme battue qui met sa plus belle robe avant de lever la main sur son propre visage – déjà rouge.

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il y a, derrière mon masque, une substance d'un noir si épais que l'évidence d'être en vie ne saurait y souscrire. squelette en désordre, largement coiffé d'un manteau épars & dépourvu de toute allégeance à l'aurore, je promène un aveu dont le sommeil exige d'être coupable ou borgne. où sont passées les flaques que je maquillais en solfèges? où sont mes paravents travestis en solstices? derrière me glisse un masque, derrière...
& le masque de tomber.

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je ne réfléchis plus, je boxe ; & feins d'ignorer que ce que j'essaime finira par absoudre les frelons qui me frôlent à voix basse. tirer sur la corde - tirer avec une arme en plastique sur un corps qui l'est tout autant. seuls les coups de fils méritent leur nom. oui, les coups de fil méritent amplement leur nom. je répète - jamais un coup de fil n'abolira ton nom.
à une amie

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j'entrerai seule & nue dans une immense salle d'audience aux dents carrelées d'inconnus pavés de bonnes intentions - & où l'on ne m'écoutera pas - ou du moins pas encore. j'aurai pourtant, pour ma défense, plus d'un millier de fleurs autographiées & chaque pétale viendra plaider ma cause d'une voix trouée & sonore (pour qui a su tatouer des yeux sur ses tympans). On ne m'écoutera pas vous dis-je & pourtant, je plaiderai la vue, l'amour & quelques autres bricoles dont tout monde préfère se distraire. j'entrerai seule & repartirai coupable & libre en direction d'une cellule dont j'avais déjà épelé le nom en foulant ma naissance.
& mon juge sourira en me voyant cueillir les années qu'il me reste à planter sur nos voies d'urgence... & je serai seule juge de mes années...

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il n'y aura, quand j'allumerai enfin mes bagages, aucune autre forme de procès que celui que j'intente - depuis plus de dix appartements déjà - à l'indifférence qui ne cesse de ponctuer d'un pointvirgule l'essaim de pupilles auxquelles j'ai frotté mon épine dorsale. plus qu'insulter la beauté, je confesse exécrer le beau - le genre ne faisant rien à l'affaire - & cracher sur les peaux que j'ai singées de mes propres enluminures.
il existe certainement un présage - peut-on lire dans les lignes du foie? - dont la mélodie plagierait les silences qui se glissent aux creux d'un te deum en chemise de nuit. que cassandre en personne m'en fasse la lecture.

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le temps presse & nous avons bien d'autres ampoules à éteindre. isn't it? un marchand d'allumettes est venu vendre sa cécité au plus offrant - j'ai dansé exactement trois fois dans sa main. il n'y a vu que du feu (le chanceux). depuis, je porte des lunettes de soleil quand j'écris qu'un marchand d'allumettes etc... vivement vendredi prochain que je perde un nouveau sens et en scotche un nouveau à la vie.
un homme se lève, se remémore qu'il va mourir, se regarde dans la glace &, étonnamment, se trouve beau. un homme pense à deux femmes; la première est morte d'un coup de fil, il lui semble que c'était en novembre; la deuxième est décédée en juin et a volé sa traîne à la première. nevermind.
deux femmes sont mortes, je fatigue terriblement d'être en vie & je m'appelle définitivement joséphine.

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ces cartes postales de maffre que maman glissait sous mes paupières tous les soirs avant de m'avorter un peu & dont seule ton haleine parvenait à rendre le ciseau respirable; je les ai gardées, vois-tu - comme pour mieux soleil-cou-couper les nuits qui s'apprêtent à égarer leurs (f)la(m)me en moi sans - pour autant - perdre ma trace.

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presqu'il, je ne suis plus rattaché à cette planète que par une sorte de conjugaison idiote & solennelle, laquelle me donne des maux d'épiphanie & des troubles de l'hostie. il s'en serait fallu pourtant de peu pour je me détache des feuilles qui encombraient mon arbre. mais, un seul regard vous noie. & quand je dis qu'il vous noie, c'est bien qu'il s'infiltre comme un sexe d'épinal dans vos poumons jusqu'à qu'y fleurisse cette branche au doux sobriquet d'asphyxie.
... & la suite? une île en dérive. simplement.



photo: Maya Paules


20190519

Contrebande #3 (cut​-​up sonore)



Poésie Lo-fi [hommages collatéraux] #3 - Ghérasim Luca - Ma déraison d'être par B.A


Le poumon gauche de la nuit

à ma mère, Bernadette Alexandre-Bouchet



ai-je déjà tout dit
que tout s'échappe 
déjà
l'aube est une erreur
le crépuscule, une idole
le jour
une faute de frappe

quel étrange voyage m'as-tu fait faire?



une bête sauvage à chaque doigt
je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
cherchant
du bout de la langue
une nouvelle langue à épuiser
je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
une langue à dresser
une langue à dormir debout
je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
une langue thermomètre
pour mesurer l'absence de tes mains
sur ma langue
une langue sans structure
& déchue de ses droits linguistiques
je m'avance et m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
& les langues de se succéder dans ma bouche
sans jamais y planter suffisamment leurs crocs
pour saisir ce que le vent, les revolvers en friches, l'été qui se condamne, les oreilles dans les branches me cèdent de terrain dans le poumon gauche de la nuit
mais je m'enfonce et m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
sans lampe ni valium
sans autre secret que celui d'être moi
je m'enfonce & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
autrefois, lorsque mes dents paraissaient encore neuves, j'ai écrit mon prénom à l'envers
j'ai comme renversé ma langue pour y loger quelque chose que je cherche encore
dans le poumon gauche de la nuit
j'ai écrit
& ce que j'ai écrit n'était pas bon à lire dans toutes les têtes
(Je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit)
c'est ce depuis
que je cherche aujourd'hui dans le poumon gauche de la nuit
ce depuis
que je m'obstine à chercher dans le poumon gauche de la nuit
le poumon gauche de la nuit
le poumon gauche de la nuit
je T'écris depuis
le poumon gauche de la nuit
-------
renverser sa langue...
flèche-fœtale (re)tournée vers sa souche utérine
flèche à flesh dans le poumon gauche de la nuit
(à l'intérieur duquel je m'avance & m'obstine...)
- l'écriture est un piercing à la langue -
on n'écrit qu'avec une langue trouée
le reste
n'est que littérature
or je m'enfonce & m'obstine hors la littérature...
renverser sa langue...
flèche-utérine pour ne faire plus qu'un avec toi
flèche-flesh-origine-du-monde
dans le poumon gauche de la nuit
renverser sa langue
pour la retrouver dans un désordre d'organes et de lettres
(je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit)
-------
tu es encore vivante
dans le poumon gauche de la nuit
c'est pourquoi je m'enfonce un peu plus
dans le poumon gauche de la nuit
tu ES le poumon gauche de la nuit
& c'est pourquoi je m'obstine...
quel est ton véritable nom?
m'aimes-tu encore?
je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
j'avance au milieu de fruits étranges: d'avocats en bleu de travail, de melons en costard-cravate, de brugnons enragés mais je ne t'ai pas encore retrouvée
dans le poumon gauche de la nuit
tu es partout-nulle-part
je suis partout-nulle-part
dans le poumon gauche de la nuit
-------
je te téléphone parfois/toujours
depuis le poumon gauche de la nuit
je compose un numéro formé de souvenirs épars
& de Lila
mais tu ne réponds pas
à mes appels
tu t'abonnes à l'absence
tu t'abonnes à l'absence
& moi
j'arrive au bout du fil
qui me retient
au combiné.
(et pourtant TU m'obstines à souffler
dans le poumon gauche
de la nuit).
-------
j'avais 4, 7, 11, 27 ou 34 ans
que je ne savais rien
du poumon gauche de la nuit
les rotules couraient après leurs omoplates
que je ne savais toujours rien
du poumon gauche de la nuit
& pourtant ce souffle
hhhhm hhhhhm
asthme asthmatique dans le poumon gauche de la nuit...
toi tu savais
toi tu savais
mais ne disais rien
chut chut chute verti-
gineuse
cale
ou autre sphère en V
toi tu savais
mais
ne disais jamais rien...
(je m'enfonce et m'obstine
dans le poumon gauche de la nuit...)
une nuit
je violerai ton alphabet
& lui ferai dire tout ce que tu cachais
dans le poumon gauche de la nuit
je violerai
UNE A UNE
chaque bronche
du poumon gauche de la nuit
du poumon gauche de....
-------
les hommes ne seront jamais que des hommes
y compris à l'intérieur de ce poumon
dans lequel je m'avance
& m'obstine
pourtant
à devenir femme...
de quelle couleur étaient tes nuits ?
quels étaient les fruits dans lesquels tu rêvais de mordre
avant que nous ne rongions tes dents
avec nos ongles ?
je voudrais te connaître nue
déshabillée de tes grossesses
& de ces courriers auxquels tu ne pouvais répondre
qu'avec des nerfs
aiguisés au taille-crayon
je voudrais enfin te connaître
dans le poumon gauche de la nuit
je voudrais découvrir ta langue
pour recouvrir la mienne
dans ce désordre d'organes et de lettres
qu'est le poumon gauche de la nuit
-------
c'est la gorge nouée
que je m'avance et m'obstine
dans le poumon gauche de la nuit
& que je m'invite au milieu d'une flore aux genoux souples
respirant ça et là l'odeur de ta voix
pour ne pas me perdre
dans le poumon gauche de la nuit
c'est la gorge nouée que je te déchiffre
- mais tu le sais déjà -
ce n'est pas ta main
- mais son absence -
qui m'étrangle
-------
les trafiquants de sérotonine
& autres laboratoires en complet-vestons n'ont pas leur place
dans le poumon gauche de la nuit
seules l'ont quelques chaises
maigres
sur lesquelles on ne peut qu'asseoir
sa solitude
& quelques polaroids
maigres
eux aussi...
il est difficile de ne pas s'asseoir
dans le poumon gauche de la nuit
& pourtant je m'avance & m'obstine
dans le poumon gauche de la nuit
à la recherche de cette langue
définitivement maternelle
sans laquelle je ne ferai(s) que tituber
hors du poumon gauche de la nuit
un arbre tiré à quatre épingles
me soumet une charade
je l'observe avec des yeux de fauve
"mon premier est un miroir
me chuchote t-il
mon second
un miroir
& mon tout
quelqu'un qui cherche sa langue
dans un miroir"
l'arbre m'observe
il sait que je ne lui répondrai jamais mon nom
mais celui d'un enfant
que tu ne connaîtras jamais
c'est pourquoi je m'enfonce & m'obstine
dans le poumon gauche de la nuit
à la recherche de...
ce quelque chose
que je finirai bien par enfreindre
au nom de ma mère
de son fils
& de ce saint-esprit
maquillé
comme un trottoir
-------
des secrets
nous en aurons encore
dans le poumon gauche de la nuit
des secrets d'alcôves
des secrets en forme d'oiseau
ou de linge froissé
en famille
des cartes-secrètes-famille-nombreuse-S.N.C.F
pour voyager secrètement
(& peut-être ensemble)
dans le poumon gauche de la nuit
de temps en temps
(& c'est un secret)
je mets le masque que tu m'avais confié
lorsque nous étions à portée de langue
pour m'aventurer hors
du poumon gauche de la nuit
je mets un masque et perds mes clefs
pour donner le change
& me confier aux mots fléchés
que tu lançais de
ta voix de voix
"il fallait bien qu'une voix réponde à tous les noms du monde"
il le fallait
& aujourd'hui
il me faut
porter ma propre voix
sur des épaules aussi
vaste que le vide
je m'époumone
hors du poumon gauche de la nuit
-------
(nous nous coifferons de stéthoscopes
pour écouter ensemble
la vie qui ne cesse de battre
dans le poumon gauche de la nuit
nous nous coifferons d'oranges
pour mettre un point final à mes prisons
& aux tiennes
que dirais-tu d'...
que dirais-tu d'...
que dirais-tu de m'attendre
dans le poumon gauche de la nuit?)
-------
le bruit court ici
que les bouches ont des jambes
& que la tienne chante sa course
dans le poumon gauche de la nuit
ici un sifflement -
là - le parfum d'un cri
partout - la tessiture de tes mains
déguisée en fruit
les bruits courent et se cueillent
dans le poumon gauche de la nuit
-------
& voilà maintenant que mes cheveux se confondent aux vignes
qui tapissent en riant
le poumon gauche de la nuit
tandis que je m'enfonce et m'obstine en toi
désormais je sais
qu'il me faut t'attendre ici
- dans cet amas de plantes fiévreuses -
jusqu'à ce qu'on y récolte
ma colère & mon sang
je ne te ferai pas signe
je t'attendrai sagement
quel âge auras-tu
lorsque tu viendras danser dans mes cheveux
& que les tiens se prendront à mes branches?
tu seras belle voilà tout -
et je t'observerai avec des yeux de bal
sans dire un mot
enfin libre de me taire
dans le poumon gauche de la nuit
-------
ce trèfle à cinq feuilles
dans lequel tu tenais
serrée
ma main (1985/86 ?)
me portera - peut-être - chance
dans l'entreprise que je m'emploie
aujourd'hui
- à entreprendre -
dans le poumon gauche de la nuit
ce trèfle
- dont les feuilles se réfugient désormais
au pied de l'arbre
contre lequel je noie
l'alcool
qui me noie -
me portera - peut-être - chance
dans l'entreprise qui m'emploie
aujourd'hui
- à m'entreprendre -
en main
....
(je voudrais te confier aux mots
mais les mots ne seront-ils jamais
autre chose
que des trèfles à trois feuilles?)
-------
immobile
& sans autre mobile que cette langue
que tu m'as arrachée
un soir de juin
je patiente & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
- cheveu(x) sur la langue -
suis-je & serais-je autre chose
qu'un cheveu sur ta langue?
(je patiente & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit)
tu t'approches & m'échappes
tu t'approches & m'échappes
tu te mélanges aux couleurs que j'emploie
pour peindre ce poumon
qui n'existe pas
tu te mélanges à la nuit
à ce qui m'effraie
à ce qui me fait rire
- encore -
tu te mélanges à toi-même
tu te mésanges & t'envoles
je t'observe sans te voir
je ne veux pas que tu me voies
j'irai piocher ma langue ailleurs
j'irai piocher ma langue ailleurs
que
dans le poumon gauche de la nuit
-------
les jours (les nuits?) passent comme ailleurs
dans le poumon gauche de la nuit
- calendrier d'allumettes avec lesquelles j'allume toujours
ma dernière cigarette
365 fois par heure -
je te devine pourtant
dans le poumon gauche de la nuit
je te devine & perd le nord
dans cette confiture d'obstacles
sur laquelle je m'étale
comme le pain sur sa croix
je te devine - parfois - dans cette forêt d'indices
je te devine et pourtant
pourtant
je devine
qu'il me faudra encore t'attendre
dans le poumon gauche de la nuit
-------
une bête sauvage à chaque doigt
je t'aperçois enfin dans le poumon gauche de la nuit
tu y es plus jeune que moi
abstraite & légère comme une carte postale que l'on s'enverrait soi-même
tu y es plus jeune que moi
& tu n'es plus ma mère
- enfin -
mais une addition sans fin de rêves, de fantasmes & de lumière
& voilà que tu danses dans ces vignes ébouriffées
que je coifferai aujourd'hui en ta mémoire
je t'aperçois
- enfin -
dans le poumon gauche de la nuit
je peux te peindre
- enfin -
dans le poumon gauche de la nuit
avec cette langue trouée
qui fût toujours la nôtre
(au dehors, une femme m'attend
elle danse elle-aussi
elle danse &
sans le savoir
répare la surface égarée du monde)