20240803
20231127
[automatique]
con†doléance 1:
Je voudrais
suicider un taxi,
braquer la mie câline
& mourir par texto.
con†doléance 2:
Je voudrais
m'inviter à danser,
désapprendre le grec (je ne le parle pas)
& mourir dans une lettre.
con†doléance 3:
Je voudrais
être Van Gogh,
me couper un orteil
& mourir sous un masque.
con†doléance 4:
Je voudrais 545
€
en 598,54 (petites) coupures
& mourir du RSA
con†doléance 5:
Je voudrais
dresser un puma,
manger 4, 99999 fruits & légumes par jour
& mourir étouffé d'un pépin.
con†doléance 7:
Je voudrais
allumer des feux aux fenêtres,
agrafer des chevaux au dos des autobus
& mourir dans du papier bulles.
con†doléance 8:
Je voudrais
imposer ma chance,
serrer mon bonheur
& mourir dans une flaque de valium à laquelle
ils s'habitueront.
con†doléance 9:
Je voudrais
publier des livres-néons,
détartrer vos chewing-gums
& mourir en chien maigre.
con†doléance 10:
Je voudrais
faxer des poèmes aux tombes,
& recevoir en guise de réponse
un télégramme annonçant ma mort.
con†doléance 11:
Je voudrais
enterrer mes désirs
dans un terrain vague
& mourir entre deux souhaits.
con†doléance 12:
Je voudrais t'avoir
je t'ai
je voudrais mourir en t'ayant
encore.
con†doléance 13:
Je voudrais qu'un parapluie s'ouvre
dans une église
pour qu'une femme en pleuve
& me laisse mourir sur sa croix.
con†doléance 14:
Je voudrais être à cheval
non sur des principes
mais sur des plaies
& mourir en Chine.
con†doléance 15:
Je voudrais
écrire mon nom sur des murs
jusqu'à ce qu'on le lave enfin
& mourir rue des changes.
con†doléance 16:
Je voudrais
bégayer sur des bégonias,
noyer les mots dans du pétrole
& mourir en me souvenant enfin
d'hier.
con†doléance 17:
Je voudrais
écrire des lettres à la mort,
mesurer la distance exacte qui nous sépare
à l'instant
& y mourir.
con†doléance 18:
Je voudrais
être un perdant magnifique
& converser ta langue pour unique trophée
je ne veux pas mourir.
con†doléance pi:
Je voudrais n'avoir
aucune ambition poétique
je voudrais n'avoir
aucune ambition poétique
& mourir auréolé d'un Nobel.
con†doléance 21
Je voudrais m'inventer un frère
lui confier mes ombres
& mourir à sa place.
con†doléance 22:
Je voudrais
me souvenir des meubles,
meubler mes souvenirs
& mourir rangé dans un tiroir.
con†doléance 23:
Je voudrais
paraître désinvolte
et, l'air de rien,
m'éteindre dans un bouquet de nerfs.
con†doléance 24:
Je voudrais
que la nuit solidaire allume un feu dans mes cheveux,
y prenne un bain de minuit
& mourir imbibé de tisons.
con†doléance 25:
Je voudrais
que la poésie danse au sommet des charts,
qu'hommes & femmes se masturbent
sur des anaphores
& mourir un chewing-d'or à la boutonnière.
con†doléances 26:
Je voudrais
avoir des armes plein les dents,
des lèvres plein le ventre
& mourir entouré de chevaux qui refusent de hennir.
con†doléance 27:
Je voudrais
manger tous vos spectres,
engranger toute la mémoire des arbres
& mourir entouré de sapins.
con†doléance 28:
Je voudrais
ne jamais revenir en arrière,
perdre mon latin dans un bar
& mourir sans jamais décliner.
con†doléance 29:
Je voudrais
me travestir en étoile,
baiser la grande ourse
& mourir zoophile
con†doléance 30
Je voudrais
tirer sur un poème,
l'abattre à bout portant
& mourir de ma propre bouche
con†doléance 31:
Je voudrais
monter dans un train sans billet,
oublier d'en descendre
& mourir dans les bras d’un contrôleur
con†doléances 32:
Je voudrais
me rendre à l'évidence
Y déposer une couronne mortuaire
& mourir sans avoir jamais lu Rimbaud.
Enième con†doléance:
Je voudrais
avoir 36 ans,
dissimuler ma vie sous une moustache
& savoir (sans apprendre) ce qui se cache derrière la mort.
CAHIER DE CON†DOLÉANCES II: POST-RECTUM: CON†DOLÉANCES
CROISÉ(E)S :
con†doléance a)
Je voudrais
ne plus me couper les cheveux en 4
mais en 5, 7 ou π
& mourir guillotiné par un peigne.
con†doléance b)
Je voudrais publier
un manifeste HARDCORE
dont chaque ligne serait une trace de C.
& mourir d'une O.D à la toute dernière page.
con†doléance c)
Je voudrais
modifier ma fréquence,
parcourir l'écriture jusqu'à trouver
l'F.M idéale
& mourir coincé entre deux parasites.
con†doléance d)
Je voudrais
concrétiser ma soif
en arbre, en statue, en phallus
pour y pendre -une fois pour toutes-
l'adulte que je ne serai jamais.
con†doléance e)
Je voudrais enfiler
une capote sur ma langue
afin que mes †futurs† poèmes
naissent (et meurent) dans un sac plastique.
con†doléance f)
Je voudrais
évangéliser les montres,
faire des 12h qui m'étouffent
de dociles apôtres
& mourir trahi par une pile.
con†doléance g)
Je voudrais
cataloguer mes angoisses,
les mettre en rayons comme de vulgaires conserves
& mourir en période de soldes.
con†doléance h)
Je voudrais
que vos dents colonisent ma gorge
pour y mordre la pomme que ce PUTAIN d'Adam vint y planter
& mourir à jamais venimeux.
con†doléances )
Je voudrais
dévaliser vos bouches,
entasser vos langues mortes à l'ombre d'un Gaffiot
& mourir d'un néologisme.
CAHIER DE CON†DOLÉANCES II: POST-RECTUM: CON†DOLÉANCES
CROISÉ(E)S :
con†doléance ero guro nansensu
Je voudrais
être violé par une lycéenne,
redoubler ma virginité
& que mon sang se noie dans ses menstrues.
con†doléance 06:
Je voudrais (bonjour Madame)
un forfait 8h d'appels à l'aide,
S.O.S illimités inclus
& mourir pendant que vous restez en ligne.
con†doléance %:
Je voudrais
louer une paire de mains gauches,
coller deux gifles à ma joue droite
& ne plus savoir de quel côté passer l'arme.
le meurtre par contumace est un sport dans lequel tous les pronoms excellent. s'ils le pouvaient encore, nul doute que les souvenirs dont on ne se souvient plus seraient témoins à charge. on ne se remémore que de son dernier brossage de dents, on ne se rappelle plus que de son prochain voyage. au fond, nous passons notre vie à louer un garde-meubles exsangue dans lequel soupirent des cadavres de soleils pluvieux.
je croyais que la musique était bleue, qu'il n'y avait d'autre carnage que ma viande - et pourtant - je t'appelle à travers d'autres voix, je dessine ta silhouette dans les vestiges de quelques notes jouées sur le clavier de ma propre folie, est-ce à dire? once upon a time in les jolies dorures qui se consacrent à effacer le beau & frapper le pénible d'une lettre de noblesse. Rimbaud devrait avaler sa gangrène & poster une photo de son festin. j'ai béni ma solitude & la conspue - aujourd'hui -. en ce vendredi de cendres et de miroirs mal éteints, laissez-moi, venez! tendre est la chair du loup à qui porte un masque sur le masque de sa nullité.
la messe des ayants droit, la parole avortée dans sa souche, l'odeur nauséabonde des épaules en demi-teinte soulève ma propre terre jusqu'à l'effondrement. Je ne veux plus de vos serments mâchés en entrejambe ! Je souhaite la terreur, la vraie! Je souhaite l'abolition de l'abolition de la peine de mort. Ne serait-ce que pour l'abolir à nouveau. Je souhaite le viol et la main carnassière, je souhaite les dents du loup, l'épée de Damoclès et le sourire d'un enfant en fauteuil roulant .je veux avoir peur - sans cesse et sans raison - je veux avoir raison ! Je veux que mes muscles s'affaissent dans un catafalque de poudre et de merde. Je veux la paix. Juste la paix. Simplement la paix. Je veux un cercueil en ivoire et un numéro de téléphone à joindre. Là, juste là, pour voir... Pour ne pas avoir raison... Juste une fois.. ou deux
j'ai vécu des astres si troublants que je ne sais plus quoi faire de mes mains. Les odeurs prévalent les corps qui les suent & ma grammaire reste la même: une fièvre... point ; une virgule, quand bien même & cette envie d'incendier l'eau. juste pour le principe. juste pour coincer un sourire entre deux tables basses. je veux rester bancal. un tout petit peu s'il vous plaît. je ne veux plus apprendre. je veux faire feu de tout bois sans même savoir de quel bois je mitraille. j'aime les timides, les jean-sans-terre & les sacs en désordre. j'aime tes cheveux lorsqu'ils insultent la beauté des miroirs. j'aime le ton que tu prends lorsque je me désaltère de mon ombre & poste des colis piégés à ma mère. Il n'est de couloirs que ceux que l'on tresse. je décide aujourd'hui d'emprunter ton sexe.
nous des monstres, de l'interdiction de dire, nous de la parole effacée & des démangeaisons. Nous de l'entre-mal, du je m'en vais rattrape moi, nous des poux dans la gorge, nous des fuites urinaires & des salles de bains amovibles, notre dame des impasses, notre dame des impostures, notre dame des flaques... Notre merde qui êtes aux cieux, notre notre et moi moi moi, notre moi moi moi boursouflé de notre...la poésie qui n'est même pas à la hauteur... La poésie qui n'existe même plus.
J'habite une planète complexe et sidérante constituée de propositions subordonnées les unes aux autres mais se pensant toutes principales. Si je n'étais pas terrien je considérerais que nous ne sommes qu'un amas de mots sélénites voire lunaires tant nous nous efforçons de voiler la face lumineuse de nos grammaires approximatives. L'inclusion précédant l'essence & l'essence coûtant cher, je pédale dans une semoule épineuses et peu propice aux épices dont j'avais l'habitude de ponctuer mes épiphanies quotidiennes.
20230101
20221229
20221227
l'homme aux paupières délébiles [2016]
1
l'homme aux paupières
haute-définition
télécommande
toujours
une P I Z Z A
au
c
ha
m
pagne
avant
d'installer
CONFORTABLEMENT
son
c a d a v r e
dans un boudoir
délébile
2
l'homme aux paupières
5g +
hashtague
quotidiennement
ses murs
de
GRA
FF
ITIs
antalgiques
& archive
nuits après
n u i t s
son
c a d a v r e
dans un album-photo
délébile
3
l'homme aux paupières
indignées
t a t o u e
journalièrement
l'indignation des
A
U T
RES
sur sa propre
PEAU
&
n'engage
que le
PROFIL
de son
c a d a v r e
dans ses révolutions
délébiles
4
l'homme aux paupières
de football
ne voit de
B U T (S)
que dans les
C
AG
ES
qui l'entourent
& entraîne
régulièrement
son
c a d a v r e
à dribbler
ses organes
sur un terrain de chair
délébile
5
l'homme aux paupières
d'échafaud
referme
spontanément
ses
YE
UX
d'homme aux
paupières
d'ECHAFAUD
de peur
de ne plus apercevoir
au matin
qu'un
c a d a v r e
dans son MIROIR
indélébile
20221226
20221224
je plaide
coupable!
coupable d'être
insomniaque &
de m'inventer
mille morts
pour rester
vivant
je plaide
coupable!
coupable d'abriter
mon propre
assassin
dans un corps
qui ne m'appartient
déjà plus
& de toucher
des A.P.L
pour un appartement
vide.
je plaide coupable
de survivre
à mes rêves,
à ce gosse
dont je m'amuse
à battre
le souvenir
pour le plaisir
des mains.
je plaide
vivant!
vivant d'être
debout
tandis que je
m'assois
sur le verbe
tomber
sans renverser de meubles.
je plaide coupable
& me sens déjà
coupable
de l'avoir admis...
un jour
je coucherai avec
ma culpabilité
& lui jouirai
sur le visage. audio
20221223
il se regarde & constate que les signaux de fumée qui traversaient autrefois sa voix se sont mués en arabesques noires. ses poumons n'exhortent plus qu'un dies irae chuchoté & ses mains, devenues triangles, cèdent le passage aux cercles qui se faufilent dans le corridor étroit qu'il s'apprête à baptiser dans l'ombre.
[17/12/2017]
péridurales [2022], extraits
qu'est-ce qu'un poète sinon un assassin sans homicide fixe ?
20190519
Le poumon gauche de la nuit
je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
cherchant
du bout de la langue
une nouvelle langue à épuiser
je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
une langue à dresser
une langue à dormir debout
je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
une langue thermomètre
pour mesurer l'absence de tes mains
sur ma langue
une langue sans structure
& déchue de ses droits linguistiques
je m'avance et m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
& les langues de se succéder dans ma bouche
sans jamais y planter suffisamment leurs crocs
pour saisir ce que le vent, les revolvers en friches, l'été qui se condamne, les oreilles dans les branches me cèdent de terrain dans le poumon gauche de la nuit
mais je m'enfonce et m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
sans lampe ni valium
sans autre secret que celui d'être moi
je m'enfonce & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
autrefois, lorsque mes dents paraissaient encore neuves, j'ai écrit mon prénom à l'envers
j'ai comme renversé ma langue pour y loger quelque chose que je cherche encore
dans le poumon gauche de la nuit
j'ai écrit
& ce que j'ai écrit n'était pas bon à lire dans toutes les têtes
(Je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit)
c'est ce depuis
que je cherche aujourd'hui dans le poumon gauche de la nuit
ce depuis
que je m'obstine à chercher dans le poumon gauche de la nuit
le poumon gauche de la nuit
le poumon gauche de la nuit
je T'écris depuis
le poumon gauche de la nuit
flèche-fœtale (re)tournée vers sa souche utérine
flèche à flesh dans le poumon gauche de la nuit
(à l'intérieur duquel je m'avance & m'obstine...)
- l'écriture est un piercing à la langue -
on n'écrit qu'avec une langue trouée
le reste
n'est que littérature
or je m'enfonce & m'obstine hors la littérature...
renverser sa langue...
flèche-utérine pour ne faire plus qu'un avec toi
flèche-flesh-origine-du-monde
dans le poumon gauche de la nuit
renverser sa langue
pour la retrouver dans un désordre d'organes et de lettres
(je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit)
dans le poumon gauche de la nuit
c'est pourquoi je m'enfonce un peu plus
dans le poumon gauche de la nuit
tu ES le poumon gauche de la nuit
& c'est pourquoi je m'obstine...
quel est ton véritable nom?
m'aimes-tu encore?
je m'avance & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
j'avance au milieu de fruits étranges: d'avocats en bleu de travail, de melons en costard-cravate, de brugnons enragés mais je ne t'ai pas encore retrouvée
dans le poumon gauche de la nuit
tu es partout-nulle-part
je suis partout-nulle-part
dans le poumon gauche de la nuit
depuis le poumon gauche de la nuit
je compose un numéro formé de souvenirs épars
& de Lila
mais tu ne réponds pas
à mes appels
tu t'abonnes à l'absence
tu t'abonnes à l'absence
& moi
j'arrive au bout du fil
qui me retient
au combiné.
(et pourtant TU m'obstines à souffler
dans le poumon gauche
de la nuit).
que je ne savais rien
du poumon gauche de la nuit
les rotules couraient après leurs omoplates
que je ne savais toujours rien
du poumon gauche de la nuit
& pourtant ce souffle
hhhhm hhhhhm
asthme asthmatique dans le poumon gauche de la nuit...
toi tu savais
toi tu savais
mais ne disais rien
chut chut chute verti-
gineuse
cale
ou autre sphère en V
toi tu savais
mais
ne disais jamais rien...
(je m'enfonce et m'obstine
dans le poumon gauche de la nuit...)
une nuit
je violerai ton alphabet
& lui ferai dire tout ce que tu cachais
dans le poumon gauche de la nuit
je violerai
UNE A UNE
chaque bronche
du poumon gauche de la nuit
du poumon gauche de....
y compris à l'intérieur de ce poumon
dans lequel je m'avance
& m'obstine
pourtant
à devenir femme...
de quelle couleur étaient tes nuits ?
quels étaient les fruits dans lesquels tu rêvais de mordre
avant que nous ne rongions tes dents
avec nos ongles ?
je voudrais te connaître nue
déshabillée de tes grossesses
& de ces courriers auxquels tu ne pouvais répondre
qu'avec des nerfs
aiguisés au taille-crayon
je voudrais enfin te connaître
dans le poumon gauche de la nuit
je voudrais découvrir ta langue
pour recouvrir la mienne
dans ce désordre d'organes et de lettres
qu'est le poumon gauche de la nuit
que je m'avance et m'obstine
dans le poumon gauche de la nuit
& que je m'invite au milieu d'une flore aux genoux souples
respirant ça et là l'odeur de ta voix
pour ne pas me perdre
dans le poumon gauche de la nuit
c'est la gorge nouée que je te déchiffre
- mais son absence -
qui m'étrangle
& autres laboratoires en complet-vestons n'ont pas leur place
dans le poumon gauche de la nuit
seules l'ont quelques chaises
maigres
sur lesquelles on ne peut qu'asseoir
sa solitude
& quelques polaroids
maigres
eux aussi...
il est difficile de ne pas s'asseoir
dans le poumon gauche de la nuit
& pourtant je m'avance & m'obstine
dans le poumon gauche de la nuit
à la recherche de cette langue
définitivement maternelle
sans laquelle je ne ferai(s) que tituber
hors du poumon gauche de la nuit
un arbre tiré à quatre épingles
me soumet une charade
je l'observe avec des yeux de fauve
"mon premier est un miroir
me chuchote t-il
mon second
un miroir
& mon tout
quelqu'un qui cherche sa langue
dans un miroir"
l'arbre m'observe
il sait que je ne lui répondrai jamais mon nom
mais celui d'un enfant
que tu ne connaîtras jamais
c'est pourquoi je m'enfonce & m'obstine
dans le poumon gauche de la nuit
à la recherche de...
ce quelque chose
que je finirai bien par enfreindre
au nom de ma mère
de son fils
& de ce saint-esprit
maquillé
comme un trottoir
nous en aurons encore
dans le poumon gauche de la nuit
des secrets d'alcôves
des secrets en forme d'oiseau
ou de linge froissé
en famille
des cartes-secrètes-famille-nombreuse-S.N.C.F
pour voyager secrètement
(& peut-être ensemble)
dans le poumon gauche de la nuit
de temps en temps
(& c'est un secret)
je mets le masque que tu m'avais confié
lorsque nous étions à portée de langue
pour m'aventurer hors
du poumon gauche de la nuit
je mets un masque et perds mes clefs
pour donner le change
& me confier aux mots fléchés
que tu lançais de
ta voix de voix
"il fallait bien qu'une voix réponde à tous les noms du monde"
il le fallait
& aujourd'hui
il me faut
porter ma propre voix
sur des épaules aussi
vaste que le vide
hors du poumon gauche de la nuit
pour écouter ensemble
la vie qui ne cesse de battre
dans le poumon gauche de la nuit
nous nous coifferons d'oranges
pour mettre un point final à mes prisons
& aux tiennes
que dirais-tu d'...
que dirais-tu d'...
que dirais-tu de m'attendre
dans le poumon gauche de la nuit?)
que les bouches ont des jambes
& que la tienne chante sa course
dans le poumon gauche de la nuit
là - le parfum d'un cri
partout - la tessiture de tes mains
déguisée en fruit
dans le poumon gauche de la nuit
qui tapissent en riant
le poumon gauche de la nuit
tandis que je m'enfonce et m'obstine en toi
désormais je sais
qu'il me faut t'attendre ici
- dans cet amas de plantes fiévreuses -
jusqu'à ce qu'on y récolte
ma colère & mon sang
je ne te ferai pas signe
je t'attendrai sagement
quel âge auras-tu
lorsque tu viendras danser dans mes cheveux
& que les tiens se prendront à mes branches?
tu seras belle voilà tout -
et je t'observerai avec des yeux de bal
sans dire un mot
enfin libre de me taire
dans le poumon gauche de la nuit
dans lequel tu tenais
serrée
ma main (1985/86 ?)
me portera - peut-être - chance
dans l'entreprise que je m'emploie
aujourd'hui
- à entreprendre -
dans le poumon gauche de la nuit
ce trèfle
- dont les feuilles se réfugient désormais
au pied de l'arbre
contre lequel je noie
l'alcool
qui me noie -
me portera - peut-être - chance
dans l'entreprise qui m'emploie
aujourd'hui
- à m'entreprendre -
en main
....
(je voudrais te confier aux mots
mais les mots ne seront-ils jamais
autre chose
que des trèfles à trois feuilles?)
& sans autre mobile que cette langue
que tu m'as arrachée
un soir de juin
je patiente & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit
- cheveu(x) sur la langue -
suis-je & serais-je autre chose
qu'un cheveu sur ta langue?
(je patiente & m'obstine dans le poumon gauche de la nuit)
tu t'approches & m'échappes
tu t'approches & m'échappes
tu te mélanges aux couleurs que j'emploie
pour peindre ce poumon
qui n'existe pas
tu te mélanges à la nuit
à ce qui m'effraie
à ce qui me fait rire
- encore -
tu te mélanges à toi-même
tu te mésanges & t'envoles
je t'observe sans te voir
je ne veux pas que tu me voies
j'irai piocher ma langue ailleurs
j'irai piocher ma langue ailleurs
que
dans le poumon gauche de la nuit
dans le poumon gauche de la nuit
- calendrier d'allumettes avec lesquelles j'allume toujours
ma dernière cigarette
365 fois par heure -
je te devine pourtant
dans le poumon gauche de la nuit
je te devine & perd le nord
dans cette confiture d'obstacles
sur laquelle je m'étale
comme le pain sur sa croix
je te devine - parfois - dans cette forêt d'indices
je te devine et pourtant
pourtant
je devine
qu'il me faudra encore t'attendre
dans le poumon gauche de la nuit
je t'aperçois enfin dans le poumon gauche de la nuit
tu y es plus jeune que moi
abstraite & légère comme une carte postale que l'on s'enverrait soi-même
tu y es plus jeune que moi
& tu n'es plus ma mère
- enfin -
mais une addition sans fin de rêves, de fantasmes & de lumière
& voilà que tu danses dans ces vignes ébouriffées
que je coifferai aujourd'hui en ta mémoire
je t'aperçois
- enfin -
dans le poumon gauche de la nuit
je peux te peindre
- enfin -
dans le poumon gauche de la nuit
avec cette langue trouée
qui fût toujours la nôtre
elle danse elle-aussi
elle danse &
sans le savoir
répare la surface égarée du monde)